Les Trophées
Alphonse Lemerre, 1893 (p. 47).
L'esclave
Tel, nu, sordide, affreux, nourri des plus vils mets,
Esclave — vois, mon corps en a gardé les signes —
Je suis né libre au fond du golfe aux belles lignes
Où l’Hybla plein de miel mire ses bleus sommets.
J’ai quitté l’île heureuse, hélas !… Ah ! si jamais
Vers Syracuse et les abeilles et les vignes
Tu retournes, suivant le vol vernal des cygnes,
Cher hôte, informe-toi de celle que j’aimais.
Reverrai-je ses yeux de sombre violette,
Si purs, sourire au ciel natal qui s’y reflète
Sous l’arc victorieux que tend un sourcil noir ?
Sois pitoyable ! Pars, va, cherche Cléariste
Et dis-lui que je vis encor pour la revoir.
Tu la reconnaîtras, car elle est toujours triste.
L’Esclave (Heredia) - Wikisource - fr.wikisource.org.
Illustration :
Unattributed.- Daguerreotype. Portrait of Isaac Jefferson (1775-c.1850), c. 1845
Les Conquérants (José-Maria de Heredia)
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;
Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.
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